Anne a 32 ans, elle est parisienne, mariée et a une petite fille Alicia. Jusque-là rien de très original sauf que son mari est Minang, qu’Anne vit dans un petit village de la communauté des Minangkabau en Indonésie et que sa fille Alicia est le premier bébé mixte du district. En 2007, Anne a 27 ans, elle habite le 18ème arrondissement de Paris et travaille dans une société d’assurance.
Elle trouve sa vie un peu terne et décide de s’offrir des vacances un peu plus “engagée”. Elle part un mois en Indonésie dans la jungle au sein de l’association du français Aurélien Brulé, « kalaweit », s‘occuper des singes Gibbon. Elle en revient bouleversée et ne pense qu’à une chose repartir en Indonésie.
Elle obtient une bourse pour venir étudier un an dans l’université de Borobudur sur l’île de Java pour apprendre l’indonésien. Elle y trouve la foi à travers l’Islam et décide de se convertir. Lors d’un voyage dans les iles Mantawai en 2010, elle fait la connaissance de Ricky, son guide.
Ils tombent amoureux, Anne ne repartira plus. Ils se marient 6 mois plus tard dans la pure tradition Minangkabau et ont une petite fille Alicia 2 ans après. Anne suit son mari et vient vivre dans son village natal sur l’île de Sumatra.
Un petit village de pêcheurs Minangkabau de 600 habitants à deux heures de la première grande ville et uniquement accessible en 4X4. La communauté Minangkabau est une société matrilinéaire musulmane unique au monde. C'est un système de filiation dans lequel chacun relève du lignage de la mère. La transmission de la propriété, des terres, du nom et des titres se fait uniquement par la mère.
C’est l’oncle maternel et non le mari qui est chargé de veiller sur ses soeurs et leurs enfants. En cas de divorce, le mari rassemble ses vêtements et quitte le domicile. La femme garde les enfants, les biens immobiliers et mobiliers qui restent la propriété des femmes. Bien qu’Anne parle couramment l’Indonésien et comprenne le Minang son intégration n’est pas facile. Son mode de vie parisien de femme indépendante fait contraste avec celui des autres femmes du village de son âge. Elles ont, pour la plupart, déjà plusieurs enfants et un emploi du temps très chargé consacré aux tâches ménagères, à l’éducation des enfants et à leur travail dans les rizières ou à la pêche. En dehors de ça, elles sortent rarement de chez elles.
Dans la culture Minang, tout le monde vit en communauté. Anne habite donc dans la maison familiale de son mari ce qui ne lui permet pas beaucoup d’intimité. Toutes les femmes de la famille s’occupent du bébé ce qui peut être parfois difficile. Mais l’avantage pour Anne, c’est qu’elle n’est pas obligée de travailler pour payer un loyer et cela lui permet d’avoir le temps d’élever sa fille.
Son mari Ricky a construit et gère un éco-lodge sur la plage du village. 70% des revenus sont reversés au village et 30% servent à payer les études d’enfants du village. L’équipe qui travaille pour le lodge est composée uniquement de jeunes du village. Ricky et Anne tiennent à faire vivre un maximum de gens du village et achètent également la nourriture sur place. Anne s’occupe de l’accueil, des réservations et du site internet depuis que l’électricité a été installée l’année dernière au village. La majorité des touristes sont français et parfois allemands.
Anne et son mari veulent créer une association afin de créer une maison des jeunes dans le village pour qu’ils apprennent l’anglais et l’informatique. Ils souhaitent également construire une bibliothèque et payer les études secondaires aux meilleurs élèves.
Ce qui reste encore difficile pour Anne dans cette nouvelle vie, c’est l’isolement, la solitude, et de ne pas avoir d’amie à qui se confier. La culture aussi, aller au cinéma, un concert, une exposition…Mais ici Anne se sent utile contrairement à Paris. Elle voulait aider les autres. Elle a réalisé son rêve.
Reportage co-réalisé avec ©Delphine Vaisset.