Chloé est une jeune femme de 23 ans qui vit à Paris. Elle est comédienne et suit une formation de chanteuse lyrique. Elle mène une vie de femme active et indépendante qu’elle a choisi. Elle est en couple depuis deux ans et semble pouvoir jouir pleinement d’un statut de femme libérée.
Pourtant, libérée elle ne l’est pas ! Bien au contraire, elle se sent enchainée à un poids qu’elle trouve de plus en plus pesant : son corps. Et pour cause. Comme huit femmes sur dix en France, Chloé se trouve trop grosse. Régimes, privations… Chloé use la majeure partie de son énergie à lutter contre ce corps qu’elle déteste.
Mais Chloé n’est pas obèse, loin de là. On pourrait la qualifier d’un peu ronde, tout au plus. Alors, pourquoi autant de violence contre ce corps ? Pourquoi 80% des femmes de notre pays ont-elles tant de mal à s’accepter ?
Chloé prend conscience que derrière cet acharnement à effacer ce ventre, ces hanches, ces cuisses, se cache une vraie souffrance liée à l’incapacité d’accueillir ce corps que la Nature lui offre : celui d’une femme.
D’ailleurs, sait –elle vraiment à quoi ressemble le corps d’une femme ? A-t-elle reçu les outils nécessaires pour pouvoir s’identifier et se construire en tant que telle ? La société actuelle lui permet-elle d’accepter ce corps de femme ?
L’Education Nationale, en apprenant les fonctions reproductives, donne les outils nécessaires pour se construire en tant que mère. Seulement être femme et être mère, ce n’est pas la même chose. Et l’on constate que beaucoup d’entre elles passent de « jeune fille » à « mère » sans prendre le temps de s’incarner en tant que femme. Chloé souffre de ne plus ressembler à une petite fille. Les femmes souffrent de ressembler à des femmes.
Au lieu de reprendre un énième régime, elle décide d'arrêter cette lutte qu’elle considère désormais comme contre-nature ! Elle laisse son corps prendre ses formes naturelles et cherche à comprendre ce malaise féminin afin de s’accepter telle qu’elle est.
Commence alors pour Chloé un parcours initiatique, une lente rééducation qui va, au gré de ses démarches, de ses rencontres, l’amener à comprendre l’origine de ce mal-être et à la reconnecter avec ses racines de femme, enfouies sous le poids de l’ignorance et d’un certain dictat de notre société occidentale.
En acceptant ses formes, Chloé a naturellement perdu une vingtaine de kilos sans chercher à maigrir, en mangeant ce qu'elle aime et sans privation. Cette perte de poids serait liée au fait qu'elle ne ressente plus de culpabilité à manger.
En recueillant la parole de nombreuses femmes dans le cadre de ce travail, je me suis rendu compte que Chloé était le reflet d’un problème de société que rencontre la plupart des femmes.
En réalisant que Chloé et bien d’autres femmes ne connaissaient que très peu les fonctions de leur anatomie féminine et leurs spécificités de femme, une question m’est apparue : comment est-il possible d’accueillir, d’aimer et de s’identifier à un corps de femme, sans savoir ce qu’est une femme ?
J’ai rapidement constaté qu’il y avait une vraie carence éducative quant à ce sujet dans notre société
occidentale.
D’abord, au sein des familles, le sujet de la féminité reste difficile. Les mères, ayant elles-mêmes souvent manqué de communication sur le sujet et ignorant pour beaucoup leur propre féminité, n’osent pas et ne savent pas transmettre de réelles connaissances quant à leur spécificité de femme.
L’absence de rite de passage de nos sociétés modernes ne permet pas de marquer consciemment une évolution de fille à femme. Cette dernière pouvant passer presque inaperçue si deux ou trois éléments physiques (seins, poils, menstruations) ne faisaient pas leur apparition à la puberté.
L’Education Nationale, en apprenant les fonctions reproductives, donne les outils nécessaires pour se construire en tant que mère, mais ne donne aucun outil pour se construire en tant que femme.
Mais être femme et être mère, ce n’est pas la même chose. Et l’on constate que beaucoup de femmes passent pour la plupart de « jeune fille » à « mère » sans prendre le temps d’exister en tant que femme. Sans prendre le temps de developper une sexualité qui ne soit pas lier à la maternité.
Devenir une femme. Voilà un sujet encore tabou. Les jeunes filles arrivent pour beaucoup à l’adolescence sans accompagnement ni transmission, seules face à un corps en pleine transFORMation.
On peut observer que les seuls outils facilement accessibles, sont les magazines féminins, la publicité et la télévision, qui prônent des corps asexués, sans aucune diversité et dénigrant les spécificités féminines. Rondeurs, cellulite, poils, menstruation…tout ce qui fait qu’une femme est une femme doit disparaître.
Chloé souffre de ne plus ressembler à une petite fille. Les femmes souffrent de ressembler à des femmes...
Le livre "Fuck les régimes" de Chloé Hollings aux Editions Payot & Rivages raconte cette expérience illustrée par les photos de ce reportage.
Regardez le reportage multimédia "Chloé prend le large..." (4') en vidéo https://vimeo.com/25031332